La caïque

Les caïques d’Yport et d’Etretat

La côte du pays de Caux n’offre que peu de ports en eau profonde mais de nombreuses grèves de galets se trouvent aux débouchés des valleuses. Les embarcations de pêche utilisées depuis les plages devaient donc être à la fois solides et résistantes, mais aussi suffisamment souples et légères pour pouvoir être tirées au sec. La construction à clin, héritage direct du savoir-faire viking, possède toutes ces qualités. Les caïques, construites en orme ou en chêne, furent pendant des siècles parfaitement adaptées à la pêche côtière à partir d’Yport et d’Etretat.

Les caïques étaient gréées de trois mâts et de trois voiles au tiers :
– un tape-cul
– une grand voile surmontée d’un hunier
– une misaine, ou bourcet, amurée comme un foc à l’extrémité du bout-dehors.

Les voiles sont de grandes tailles afin d’assurer la stabilité dans les rouleaux, la vitesse au louvoyage et une bonne marche à la pêche aux plombs.

Les deux mâts d’avant, rapidement rabattables, ne gênaient pas les manœuvres de pêche. De longs avirons permettaient en outre de faire route en l’absence de vent et aidaient aux manœuvres d’appareillage. Il n’y a pas de bancs : on nage (on rame) debout ou assis sur le ciré, ce qui permet par la suite d’avoir un pont libre pour le travail.

D’avril à octobre, les caïques faisaient la pêche aux cordes jusqu’au sud de l’île de Wight ou le maquereau au plomb. Mais la pêche la plus lucrative était celle du hareng de mi-octobre où les caïques allaient jusqu’au Tréport à la fin de janvier en baie de Seine.

Les caloges

Quand les caïques étaient trop usagées pour prendre la mer, elles étaient transformées en habitation. On ouvrait une porte et des fenêtres dans la coque, on les charpentait d’un toit de chaume et la caïque devenait maison ou resserre pour les apparaux de pêche.

1800-1850 : entre 25 et 30 caïques sur la plage d’Etretat, qui venaient jusqu’à Dieppe pêcher le hareng (avec chacune 10 hommes d’équipage).

Le nombre de caïques en pêche diminuait pendant l’été, saison où de nombreux marins s’embarquaient pour Terre-Neuve.

1919 : les premiers moteurs sont posés. Cette innovation entraîne un changement des lignes arrière et la pose d’un étambot à l’extérieur du tableau, formant une cage d’hélice fermée.

La dernière caïque, la Vierge de Lourdes, a été lancée en 1949
et a navigué à la pêche jusqu’en 1971. Son gréement est plus simple que ceux du XIXe siècle : il est limité à deux mâts.


Le virage au cabestan

Quand la pêche est terminée et que le bateau s’approche du rivage, le mousse de terre (ce peut être un vieux marin) court appeler les femmes de l’équipage. Le mousse est chargé de surveiller son bateau du lancement jusqu’au retour, de nuit comme de jour, de façon à pouvoir assurer un virage immédiat dès l’atterrissage.

Quelques repères et signaux convenus lui facilitent l’identification d’une caïque arrivant au large :
– détails de peinture de la coque, personnalisée par des couleurs vives
– coups de trompe à la conque marine
– signaux lumineux à la torche si l’arrivée se fait de nuit

Il y a une douzaine de personnes à virer au cabestan (les femmes de l’équipage et quelques vieux matelots)
– on peut pousser sur les quatre extrémités des barres
-ou déhaler à l’aide de tire-veilles

Les cabestans étaient la propriété des principales familles de patrons-pêcheurs.